Post by Laurent GinarougePost by Muriel Bernardben tu fais ça comment si elle pas de système nerveux central ?
En fait c'est surtout qu'on ne sais pas si elle en a un, vu qu'on ne l'a
jamais trouvé. Le plus rationnel serait de postuler qu'elle en possède
un, vu que tout ça c'est du vivant.
Bonsoir. Puisque la question de la sensibilité chez les plantes et du
vivant en général, on peut faire les commentaires suivants, connus par
Denis et d'autres. Sinon accrochez vous :-))) Ce sera un peu long.
1) Toutes les cellules vivantes, isolées (bactérie, paramécie...) ou
dans un tissu, a une sensibilité pour des stimuli extérieurs. Leurs
membranes portent des protéines agissant comme récepteurs ou comme
canaux d'entrée et de sortie pour des ions ou des substances organiques
(qui sans cela ne traverseraient pas la membrane). Ce sont des outils
universels du monde vivant.
2) Les récepteurs captent spécifiquement un signal extérieur (nutriment,
ion, hormone, lumière ...) et réagissent en lançant vers d'autres
parties de la cellule un signal qui va modifier son comportement. La
transmission des signaux internes est une trame compliquée mettant en
jeu des protéines, des phosphorylations, des ions calcium, etc).
3) Les transporteurs servent de "passeurs" à travers la membrane.
Celle-ci est polarisée, positivement à la surface extérieure,
négativement sur la face interne. Un petit condensateur qui accumule en
permanence une énergie qui est contrôlée, utilisée ou rechargée comme
une batterie. Les canaux ioniques font passer des ions tels que le
sodium, le potassium, le calcium. Le passage est réglé par l'ouverture
et la fermeture du canal, et par la différence de potentiel des deux
côtés. L'existence d'un potentiel ne concerne pas que les membranes
périphériques, mais aussi les membranes qui entourent les organelles
internes de la cellule : chloroplastes; vacuoles, etc.
4) Le calcium estun acteur essentiel de la vie cellulaire, car son taux
interne est régulé et sert de déclencheur pour des activités variées.
Chez les plantes, les vacuoles servent de réservoir de calcium et
relâchent celui-ci dans le cytoplasme en réponse à tel ou tel stimulus.
5) Des canaux ioniques qui s'ouvrent et se ferment sont responsables du
fonctionnement du système nerveux animal. Un signal nerveux engendre ce
qu'on appelle un "potentiel d'action": il est dû à une variation rapide
de la perméabilité membranaire aux ions Na+ et K+. Il y à une entrée
massive d'ions Na+ et un sortie d'ions K+ . Le résultat est une chute
locale du potentiel de la membrane, qui tend même à s'inverser. Ce
phénomène est une perturbation locale et temporaire, qui va se propager
comme une onde le long du neurone, le long de son axone jusqu'au neurone
suivant. La jonction de deux neurones est appelée synapse. Quand la
perturbation le long du neurone amont atteint la synapse, il y a
sécrétion dans celle-ci d'un produit organique appelé médiateur, par
exemple l'acétylcholine. Le médiateur est reconnu par le neurone aval et
déclenche aussitôt dans celui-ci une chute de potentiel qui va se
propager plus loin, et ainsi de suite. Le cheminement de cette
perturbation correspond à l'influx nerveux. Le réseau de neurones, le
fonctionnement de leurs synapses avec des médiateurs variés est à la
base du fonctionnement de notre cerveau.
6) Et les PLANTES ? Elles n'ont pas de système nerveux répondant à ce
mode d'action, mais elles ont aussi des canaux ioniques, un potentiel de
membrane, etc. Les transports d'ions sont à la base de divers
mécanismes, comme l'ouverture et la fermeture des stomates. L'ouverture
se traduit par une chute de potentiel de 150 à 50 millivolts, une sortie
d'ions potassium et chlorure, une entrée d'eau qui fait gonfler les deux
cellules stomatiques appelées cellules de garde. Des systèmes similaires
s'observent dans différents mouvements : bascule des étamines dans
certaines fleurs à la suite d'un contact (Berberis, Kalmia, certaines
orchidées...), mouvements des feuilles (Dionnea, Mimosa pudica dite
sensitive) **. La lumière perçue par une batterie de récepteurs
(cryptochromes, phytochromes, phototropines) règle la floraison, le
phototropisme, la germination, le repliment ou l'écartement des folioles
(Acacia, Albizia), etc. Pour les échanges à distance, les plantes ont
davantage recours à l'émission d'hormones, qui seront captées plus loin
par des récepteurs.
7) Les cellules végétales sont capables de communiquer entre elles en
échangeant des signaux. Ont-elles pour autant une sensibilité rappelant
un système nerveux ? Oui parce que les mécanismes moléculaires de base
sont très similaires, non parce qu'elles n'ont pas de réseaux de
neurones spécialisés dans la conductance nerveuse qu'on observe chez les
animaux. Elles n'ont pas de conscience, ont des réponses automatiques
(que nous jugeons compliquées du fait de notre ignorance), obéissent à
un réseau extrêmement sophistiqué de régulations et d'adaptations, que
la recherche actuelle commence à percer de mieux en mieux par la
"génomique". Matériaux de base : Arabidopsis thaliana, Maïs, Blé, Riz,
et une demi-douzaine d'autres.
Bonne soirée
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** Tous les mouvements chez les végétaux ne résultent pas forcément de
mouvements d'ions et d'eau. Certaines plantes projettent leurs graines à
distance par dessication de certaines parties, qui acquièrent des
contraintes purement mécaniques. Une rupture finit par se produire,
projettant au loin les graines. Il y a des exemples célèbres, mais zut,
je n'arrive pas à me les rappeler.
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